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Sujet : Re: Questions et proposition d'invitation à une conférence-débat...
Date : 24/01/2005

Bonjour,
J'ai bien reçu votre e-mail où vous m’écrivez notamment :
"Dans ma spécialité, c’est-à-dire la sociologie des sciences, il m’a semblé intéressant de proposer votre apport scientifique, dans le cadre de ce que l'on peut considérer être une controverse"
là, je vous arrête tout de suite: un tel cadre 'arrangé' ne me convient pas du tout. D'une part, la propension d'une branche de la sociologie des sciences à se focaliser sur les controverses me paraît bien réductrice (pour ne pas dire plus), car je pense que cela détourne l'attention des véritables problèmes: modes de production du savoir (en particulier, le cheminement propre à la recherche indépendante), origine du financement (pour moi essentiel, d'où mon choix d'être indépendant), anonymat ou non des expertises qui en jugent... D'autre part, dans le cas présent, ce dont vous voudriez faire l'objet d'une controverse a en fait été tranché, après plus de dix ans d'expertises et de réponses dans un cadre officiel, par une décision faisant jurisprudence (jugement de la DG3 de l'OEB du 8 mars 2004) comme étant "établi et démontré sans ambiguïté". [A ce sujet, je vous recommande ce document, qui explique comment la DG3 a été amenée à se prononcer et à trancher sur le fond, ce qui n'est pas si fréquent: http://legal.european-patent-office.org/dg3/pdf/t030550fu1.pdf ; voir en particulier les motifs de la décision, § 5, 6 et 7. Apporter la preuve quantitative du caractère opérationnel du procédé tel que revendiqué a été en effet jugé nécessaire pour répondre à l'objection selon laquelle une simple 'présentation d'informations' ne peut être brevetée, cause de nombreux rejets. C'est la raison pour laquelle ces expertises ont pris autant de temps].
Les points de vue anonymes que vous mentionnez relèvent par conséquent, non de la controverse, mais bien de la rumeur sans fondement. La prétention selon laquelle l'inclusion du sujet serait "non scientifique" est, pour moi, particulièrement erronée: la science ne se fonde pas sur l'exclusion du sujet mais sur la distinction sujet-objet; on ne peut décrire l'univers "de l'extérieur" puisqu'on en fait partie; selon la tradition juive, dont je suis imprégné, c'est même sur ce point précis que se distingue la sagesse (se reconnaître partie prenante dans l'univers que l'on décrit) de la perversion (décrire les choses de l'extérieur en évitant de s'y inclure). Plus sobrement, le psychanalyste Gérard Huber parle à ce propos de "réalité éthique" et de "réalité métaphysique" : dire "cet objet est tel" est en effet un énoncé métaphysique ; ce que l'on peut dire honnêtement, c'est "je vois cet objet comme tel", ce qui inclut le sujet dans l'énoncé, et conduit à "homogénéiser" les expressions opératorielles qui sont à la base de la mécanique quantique (ce qui est simplement ce que j'ai fait).
Bien à vous
Joël Sternheimer