Quelques citations
"Les relations d’incertitude associées à l’échelle signifient que la précision relative qu’il est possible d’obtenir sur une mesure d’impulsion ou d’énergie est d’autant plus fine que la portée de l’échelle est plus grande: il est donc effectivement nécessaire, si l’on veut pouvoir décrire les phénomènes avec une précision suffisante, de conserver une certaine portée à l’échelle, c’est-à-dire de ne pas détruire un niveau d’organisation pour accéder au niveau en-dessous, mais de préserver l’objet d’étude. Il est remarquable qu’un tel critère "éthique" se retrouve nécessité par le développement même de la connaissance". (Joël Sternheimer, Le Cahier du Collège International de Philosophie n° 3, mars 1987).
"Une connaissance qui implique l’irrespect de l’objet scientifique finit toujours par trouver ses propres limites et produire une rupture entre la pratique du chercheur et son éthique". (Gérard Huber, in Psychanalyse à l’Université, juillet 1987).
"Telle me semble être la responsabilité de l’homme et du savant de précéder par la pensée le moment initial de la volte, attitude mentale qui exprime le sentiment que la Réalité est infidèle à l’homme, qu’il faut la conquérir, la dominer et la faire renaître... Entendre le chant plaintif des particules, c’est entrer dans le processus de désintégration de la matière de manière non seulement intelligible mais aussi affective. C’est d’une certaine manière entendre le chant du cygne de la pulsion de mort... A partir du moment où l’invisible devient visible, autrement que dans le meurtre, à partir du moment où l’inaudible devient audible autrement que dans le hurlement, ce qui est ne peut plus être pensé comme un au-delà, une réalité métaphysique, mais comme un se donnant, une réalité éthique". (Gérard Huber, in Psychanalyser après la choa, éd. Osiris, Paris, octobre 1988).
"A mon sens, ce qui caractérise
la démarche scientifique est avant tout un point de vue éthique: un chercheur
se trouve face à un problème; mais la réponse qui pourrait venir à première
vue pour ce problème nécéssiterait l’emploi de méthodes jugées non éthiques
par sa conscience (parce que violentes, par exemple). A ce moment là,
il a le choix: ou bien "passer outre" au nom d’une idéologie quelconque,
qui peut même être celle du progrès des connaissances; ou bien, ce qui
est à mes yeux l’essence de la démarche scientifique, ne pas passer outre
et se creuser la tête. Selon toute mon expérience, et selon je crois aussi
toute l’histoire des sciences lorsqu’on l’étudie un peu "à la loupe",
c’est d’abord ainsi que les progrès scientifiques peuvent avoir lieu d’une
manière qui fasse également progresser la société. Car c’est précisément
le problème moral qui vient alors à la conscience du chercheur qui est
le signe, "l’avertisseur" qu’il y a quelque chose à trouver, et que l’on
peut justement trouver si on se "creuse la tête" face au problème ainsi
perçu; tandis que "passer outre" est alors précisément passer à côté de
la découverte qui constituerait un progrès réel".
(Joël Sternheimer, juin 1996).
"La biologie a cette caractéristique que son champ d’intérêt s’étend d’objets non réputés éthiques -- un gène, une protéine -- à des objets éthiques -- un animal, un homme --; c’est-à-dire s’étend d’objets auxquels ne s’attache aucune prescription, à des objets que l’on ne peut violer dans la mesure où ils font preuve d’une autodétermination. Cette preuve-là est visible, sensible. Mais comment ne pas observer qu’une démarche ne voyant comme point de départ qu’un objet non éthique ne pourra voir dans ses développements ultérieurs la capacité dont le principe a été dénié d’emblée? Quelles que soient les tentatives pour réinjecter, à un niveau forcément arbitraire dans l’échelle, une éthique de circonstance dite bioéthique, un circuit qui ne respecte pas a priori son objet d’étude aura toujours tendance à ignorer ensuite, dans les développements de cet objet, des capacités impliquant le respect". (Vincent Bargoin, septembre 1996).